De la crinoline au vélo
16e siècle: Corsets en entonnoir. Le rétrécissement maximum du buste donne aux hanches une largeur de tonneau. Accentuation de l'effet par un gilet rigide et le volumineux Vertugadin.
17ème siècle : Diminution du volume du Vertugadin ou Vertugarde.
18ème siècle. Nouvel élargissement des hanches féminines. Robe à la mode à paniers puis robe cloche.
Fin du 18ème et 19ème siècle. Révolution, Consulat, Empire. Triomphe de David et la ligne antique, la "merveilleuse". Mais avec la Restauration et Louis-Philippe, les falbalas reviennent. Dans le second Empire, la crinoline est nécessaire. Elle est la petite-fille du Vertugadin, la robe de panier, la robe cloche.
La monture bouffante est tout d'abord en crin. D'où le nom de crinoline. Bientôt, il est nécessaire d'appeler à l'aide des cerceaux en bois. Les crinolines gonflent constamment.
Les humoristes parlent de coupoles ambulantes, de cloches à melons, tonnelles vagabondes, d'aérostats de l'amour, de mongolfières du caprice, etc.
Au coin des rues on chante:
"La crinoline, à Paris,
Est une mauvaise méthode;
Les logements sont si petits
Qu'il prenne la place d'une commode "
1855, le canon tonne à Sébastopol. Eugénie de Montijo de Guzman, l'andalouse, est impératrice des français depuis deux ans. Il lui vient l’idée de lancer une crinoline toute ronde.
Immédiatement, un succès fou. Tout le monde porte de la crinoline, même les enfants de quatre ans.
Mais les baleines coûtaient chères!
Quelqu'un, il s'appelait Peugeot, eut une idée. C'était un tisserand de Herimoncourt, dans les premiers contreforts du Jura.
L'un de ses quatre fils avait trouvé le moyen d’obtenir par laminage des lames d'acier remarquablement fines, souples, résistantes, et commençait à se faire un nom comme fabricant de scies,
Devant la crise de baleines qui menaçait de porter un coup mortel à la crinoline, ce Peugeot eut l’idée d'adapter à la fabrication de fines lames souples de métal, destinées à la carcasse de la crinoline, la technique remarquable qui lui avait si bien réussi pour les lames de scies. Conquérir les scieurs de bois, c'était déjà un succès; mais conquérir la Femme, c'était un triomphe. Ce Peugeot, ayant cette Ambition, installa dans une ile du Doubs, à Beaulieu, hameau du village de Valentigney, une fabrique.
Arrivons à I856. Sébastopol venait de tomber. Deux grandes choses, sur la mode, nous restaient de la guerre de Crimée, la crinoline d'Eugénie de Montijo et le raglan puisque ce serait lord Raglan, commandant en chef des troupes britanniques, et mort du choléra sur le front de Sébastopol, après avoir fait preuve d'un magnifique courage à la journée de l'Alma, qui aurait lancé la mode du raglan. Madame et Monsieur, chacun avait son compte. Deux grandes choses? C’est en oublier une troisième. La troisième, c'est cette baraque dc Beaulieu qui finit par devenir tellement grande qu'elle sortit de son ile, envahit toute la rive du Doubs au-dessus de Valentigney jusqu'à Mandeure... Et la fabrique des crinolines Peugeot devint l'immense fabrique de bicyclettes du même nom. Tel fut l'effet magique de la rencontre de la fantaisie féminine et de la raison mécanicienne, du caprice et de la méthode, du froufrou et du métal, de la femme et de la machine, en une ile du Doubs.
Suzanne MAZEROLLE.
(Petit écho de la mode n ° 4 de janvier 1947)